Michel Colombier, le passeur pop, passe la main
Le musicien, arrangeur de Gainsbourg ou de Barbara, est mort à 65 ans.


mercredi 17 novembre 2004
Par Ludovic PERRIN
LIBERATION.FR


Michel Colombier est mort dimanche à Santa Monica à 65 ans. Arrangeur pour Gainsbourg, Barbara ou Pierre Henry (Messe pour le temps présent), il faisait partie de ces musiciens français faisant une seconde carrière aux Etats-Unis. Il s'y était installé en 1975, après avoir publié ce qu'il tenait pour son chef-d'oeuvre, l'album Wings. Là-bas, Prince (Purple Rain) ou Madonna (American Life) sollicitaient cet homme de l'ombre, peau tendue de bébé, visage rohmérien et arrangements de cordes ou de rythmiques pop implacables. C'est Elisa, Bonnie and Clyde, Requiem pour un con et autres BO, redécouverts ces dernières années par toute une scène, de Mirwais à Air. Colombier, ce fut aussi l'indicatif de l'émission Dim Dam Dom, de Salut les copains ou des programmes d'Antenne 2 avec les bonshommes de Folon.

«Humilité». Ce passionné de Bach a suivi l'enseignement de son père, musicien autodidacte, parti à 17 ans de son village pratiquer le métier de cordonnier parallèlement au violon au Conservatoire de Lyon : «Il me disait : "L'artiste est au service de l'art, non le contraire", et aussi de ne jamais tirer la couverture à moi, se rappelait Michel au printemps 2003. Ça a dû inscrire en moi le sens du service et de l'humilité.» Formé au Conservatoire de Paris, il s'en éloigne pour découvrir les musiques du monde, brésiliennes, indiennes... Au Pichet du Tertre, il rencontre le compositeur Michel Magne : «Il m'a donné à écrire pour lui des musiques de films. Pour le métier, j'étais son nègre. Mais ce serait réducteur pour décrire ce que fut notre relation. Il m'a enseigné comme un père une façon de composer. Il signait, et c'est moi qui écrivais. Mais sa connaissance fantastique et technique des studios, sa clairvoyance m'ont appris à placer ma musique, à traiter le son.» Ils composent ensemble la musique du Repos du guerrier ou d'Un singe en hiver.

Sur recommandation de Magne, Colombier devient à 22 ans directeur musical de Barclay. Premier projet, un disque en anglais d'Aznavour pour le marché américain. Quincy Jones supervise les enregistrements. Puis rencontre de Barbara, au Gala des artistes. Michel Colombier relancera la dame, en arrangeant son succès l'Aigle noir. «Contrairement à Gainsbourg qui me laissait le champ libre, elle savait précisément dans quelle direction aller. Pour cela, elle employait un langage assez visuel avec beaucoup le mot "brouillard", qui renvoie à la subjectivité de chacun. Barbara, sa voix se mariait mal avec les cordes, mais les violoncelles lui allaient merveilleusement, ainsi que les flûtes ou les anches de Michel Portal. La seule fois où j'ai pris des libertés avec elle, ce fut pour l'Aigle noir. Je me rappelle Pierre, son chauffeur, me disant : "La patronne, il lui faudrait un tube."»

Passeur. Difficile de dénombrer tous les apports du passeur Colombier à une musique qui a nourri l'esprit pop des deux côtés de l'Atlantique. Quand il fallait parler de lui, Michel Colombier le discret disait facilement : «J'ai souvent été comme Cyrano dans la scène du balcon.»

Online at: http://www.liberation.fr/page.php?Article=254562

[back to Press]