Le compositeur et arrangeur Michel Colombier est décédé
à l’age de 65 ans
Requiem pour Colombier
Les Inrockuptibles
Par Christophe Conte
La dernière fois que j’ai parlé à Michel Colombier au téléphone, c’était en janvier dernier pour
une courte interview à propos de Air, pour lesquels il venait d’écrire un arrangement subtil et
raffiné dont il avait le secret. Comme d’habitude, il était modeste sur son travail, s’employant
à valoriser d’abord celui des deux versaillais. Pourtant, sans Michel Colombier, point de Air
possible. Cet homme élégant, prodigieusement talentueux mais toujours dans l’ombre des géants
avec lesquels il collaborait – de Gainsbourg à Prince, d’Aznavour à Pierre Henry – restera comme
l’arrangeur français qui aura propulsé la chanson française dans la modernité pop. Dans les
sixties, certains des morceaux qu’il aura façonnés résonnent toujours comme des objets sonores
singuliers, de Requiem pour un con à L’Aigle noir pour Barbara, des Jerk électroniques de Messe
pour le temps présent au générique de Dim dam dom. Parti tenter l’aventure Hollywoodienne dans
les années 70, il n’en était jamais revenu, obtenant chez les américains la reconnaissance qui
lui avait fait défaut ici. « Les afro-américains me surnomment The funky frenchman » se
plaisait-t-il à rappeler, travaillant aussi bien avec la crème des jazzmen West Coast que sur la
bande originale de Purple rain, puis à la demande d’un de ses disciples, Mirwais, sur les deux
derniers album de Madonna. Son album solo le plus connu, Wings (71) avait donné grâce au morceau
Emmanuel un générique de fin de programme culte sur Antenne 2, accompagné des dessins de Folon.
Mais c’est à travers ses musiques de films tumultueuses que l’art suprême de Colombier aura le
plus impressionné : chez le grand Melville (Un flic) ou le tout petit Labro (L’héritier,
L’alpageur). On se souviendra enfin de sa partition pour Une Chambre en ville de Jacques Demy,
succédant à Legrand dans un registre plus proche de l’opéra brechtien que des fantaisies
musicales habituelles. Michel Colombier est décédé d’un cancer, chez lui à Santa Monica, et c’est
une grande perte pour l’humanité.
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